Cet oeuf au bord de l'eau...

par **Tsubaki Azuka** Mer 6 Jan - 21:24

Tsubaki Azuka

"T-tiens bon! Je t'en prie!"

Dévalant les collines gelées du parc, Tsubaki ne prenait même pas la peine de contourner les obstacles, filant ventre à terre du plus vite qu'elle pouvait. L'oiseau... il était en danger...L'oiseau avec lequel elle s'était prise d'amitiée, ce petit volatile posé sur une frêle branche en gazouillant de bonheur quand il la voyait arriver vers lui. Chaque jour de ce long et difficile Hiver, elle lui aportait un peu de compagnie, à cet oiseau solitaire, qui n'avait pas suivit ses congénères vers des contrées plus clémentes pour survivre jusqu'à l'arrivée des beaux jours. Cet oiseau, elle ne l'avait jamais nommé, car il était libre et n'avait pas de maitre pour l'empêcher d'aller ou bon lui semblait. Même Tsubaki ne pouvait le toucher que lorqu'il le voulait... celle-ci filait toujours, martelant de ses bottines fourrées, le sol couvert d'une épaisse couche de neige. Par ce triste crépuscule, un blizard violent se déchainait sur la région, emportant avec lui toutes les vies faibles et vagabondes... *Ca va aller... j'arrive!* La collégienne sauta par dessus un banc renversé par la tempête glacée. Elle ne se retournerait pas tant qu'elle ne l'aurait pas trouvé... l'oiseau... ses ailes bleutées frémissaient face à la morsure de la bise froide du soir, tandis que les derniers rayons du Soleil couchant miraient sur le lac. Il était là, à la cime d'un marronier aux dernière feuilles fletries, mais il était bien là, attendant, lové contre l'écorce dure.

Tsubaki l'appela, mais pas de réponse, l'oiseau restait muet et chétif du haut de son perchoir. Elle plissa les yeux pour mieux le distinguer à travers la grêle. Elle grimaça. La forme qu'elle avait vue n'était rien de plus qu'un bout d'embalage pendant misérablement à une brindille. Et l'oiseau?... Tsubaki reprit sa recherche effranée, ne prenant aucune pause, n'essayant plus de se protéger du vent. Elle se sentait de plus en plus faible, comme si ce maudit temps la vidait totalement de ses forces. Elle gémit, cherchant désespérément autour d'elle le petit corps de son ami. Et ce fut après une heure interminable à arpenter les environs que le souffle infernal cessa. C'est là qu'elle le vit enfin... minuscule corps meurtit, dont le plumage bleu myosotis se détachait de la surface brillante immaculée... l'oiseau était là, immobile, les yeux clos. Sa poitrine autrefois jaune éclatante n'était plus qu'un pâle amat de duvet. Son regard autrefois pétillant, son allure vive... jamais la petite mésange n'avait été aussi mal en point. Ses pattes grises aux innocentes griffes, étaient repliées sur elle, comme si elle faisait la morte. *Oh non... J'arrive trop tard* , s'écria mentalement la jeune fille, sentant à ses yeux perler des larmes amères.

"Je t'en prie... reste avec moi..."

La bise souffla dans ses long cheveux chatains. Elle se laissa tomber à genoux. Cet oiseau, elle l'avait receuillit chez elle alors qu'il était tombé du nid, et l'avait élevé jusqu'à ce qu'il soit apte à voler et à reprendre sa libertée... et maintenant, cette histoire qu'elle avait cru si belle, se terminait injustement. Le volatile serré dans ses bras pour que sa montée au paradis soit aussi chaude que possible, bien que l'esprit ailé avait depuis longtemps quitté le monde des vivants, Tsubaki fixait le lac indigo, ou miraient les première lueur de la Lune, dans sa robe d'argent. Après cette tempête, l'air était agréable et silencieux. Seuls quelques bruissements troublaient la paix infinie de la nuit. La poudreuse recouvrait chaque brin d'herbe, mais l'eau miroitante comme du cristal n'avait curieusement pas gelée. Tsubaki soupira, s'aprêtant à emporter avec elle le corps sans âme pour l'enterrer dans son jardin. Elle se leva lentement, péniblement, et fit quelques pas en direction de ce qu'il restait du sentier destiné aux promeneurs, lui aussi enfoui sous une épaisse couche blanche.

Mais quelque chose l'arrêta. Elle ne sut pourquoi, mais elle avait l'impression qu'elle devait retourner sur ses pas, comme si une partie d'elle-même était restée là-bas, au bord de l'eau. Une petite voix, douce comme une mélodie, le lui soufflait... Tandis regardait par dessus son épaule, son regard s'acrocha instinctivement à une lueur, provenant de l'onde azurée. Qu'est-ce que c'était?... elle s'aprocha prudement, poussée par la curiosité, ignorant le froid qui lui tenaillait les doigts, gère rechauffés par les plumes de l'oiseau mort. Elle plissa le nez, se demanda ce qu'était cette forme ronde, de couleur mauve, avec dessus d'étranges motifs semblant représenter des plumes... Gardant toujours soignement contre son coeur son ami défunt, elle le prit délicatement dans ses mains et le fit tourner afin de le voir sous tous les angles. Pas de toute: c'était un oeuf! Tsubaki en connaissait un grand rayon en animaux, mais ce genre de coquille ne lui disait absolument rien, à moins qu'un gamin ne se soit amusé à la peindre... et même, par ces températures mortelles, le poussin à l'intérieur n'avait pas vécu longtemps... mais à sa grande surprise, l'oeuf était chaud. *Et si c'était un de tes oeufs?...*, songea-t-elle en couvant du regard la mésange aux yeux clos. *Alors j'en prendrais soin! Promis!...* Elle caressa avec tendresse sa chétive tête bleue, puis déposa près de lui l'oeuf inconnu, espérant de tout coeur qu'il dévoilerait un jour le petit être qui se cachait à l'intérieur...

"Un jour il volera à nouveau, c'est promis Tsubaki-chan!"

La jeune fille sursauta, croyant que la fatigue la faisait délirer. D'où venait cette voix?... Le parc était fermé, et elle-même avait escaladé la grille pour rentrer, ce qui signifiait donc que cela ne pouvait être une autre personne, tapie quelque part aux alentours... Non, la voix venait comme de l'intérieur de quelque chose, elle résonnait, mystérieuse et agréable à la fois... Mais peu importait pour le moment... Accélérant en direction de chez elle, Tsubaki se sentit étrangement sereine.